Un hommage aux victimes de l'attentat au Musée Juif de Bruxelles

Ce vendredi 30 mai à 11h30, un texte a été lu au sein de l'ensemble des écoles secondaires de la Ville de Bruxelles, en hommage aux victimes de la fusillade perpétrée le 24 mai au Musée Juif de Bruxelles.

Prononcé au nom de la Ville de Bruxelles par le Bourgmestre Yvan Mayeur, ce discours a rassemblé 400 élèves au sein du Lycée Dachsbeck. Le texte a par ailleurs été lu simultanément à tous les élèves des écoles secondaires de la Ville, soit près de 9000 étudiants.

Le texte en question :

Samedi passé 24 mai  au Musée Juif de Belgique, un des musées emblématiques de la Ville de Bruxelles, trois personnes ont perdu la vie et une quatrième a été grièvement blessée. A l’heure actuelle, nous ne savons pas encore comment qualifier ces faits : c’est l’enquête de police qui nous l’apprendra.

De toute façon, ces faits sont inqualifiables. Certes, des êtres humains perdent la vie chaque jour aux quatre coins du globe. Ce constat, loin de relativiser la fusillade qui a éclaté dans notre Ville, justifie au contraire notre indignation. Chaque mort violente est une mort de trop. Nous refusons toute forme de violence, et tout particulièrement cette violence froide avec laquelle un être humain peut tuer ses semblables aussi calmement que s’il accomplissait une tâche routinière.

Nous condamnons cette violence d’autant plus vivement qu’elle a fait irruption dans un lieu de mémoire, de culture et d’histoire . Parmi les collections permanentes du Musée Juif se trouve une grande fresque qui retrace la présence de la culture et de la religion juive dans nos régions, depuis le XIIIe siècle jusqu’au début du XXIe siècle, avec, comme pivot, l’indépendance de la Belgique à partir de laquelle les juifs prennent pleinement part à la société moderne en assurant, comme les autres citoyens, des métiers d’ouvriers et d’artisans, ainsi que des professions libérales. En cela, le Musée Juif est profondément ancré dans la vie bruxelloise et c’est la Ville entière, dans toutes ses composantes, qui doit s’élever contre l’attentat perpétré dans son enceinte.

Que la vie de nos quartiers soit brutalement interrompue par un tir meurtrier nous consterne tous. Face  à cet  attentat terroriste et antisémite, nous devons résister à la logique de la haine, qui sape la confiance dans la capacité de la démocratie à nous protéger. La démocratie reste la meilleure protection contre la banalisation de la violence, qu’elle soit le fait d’un Etat totalitaire, de groupuscules extrémistes ou d’individus isolés.

Canaliser la violence est en effet l’un des objectifs fondateurs de la démocratie. Dès le Ve siècle avant l’ère commune, la Ville d’Athènes se dotait d’institutions démocratiques, où le combat avait été remplacé par le débat. L’affrontement physique avait cédé la place au choc des mots. Ces valeurs démocratiques sont celles que nous nous efforçons, plus de 25 siècles plus tard de promouvoir au sein de nos institutions et que nous enseignons dans nos écoles.

Respecter chaque personne est une règle sur laquelle nous ne transigeons pas. Aussi sommes-nous fiers de vivre dans une Ville où la diversité est considérée comme une richesse et où les différences sont respectées et mises en valeur pour faire progresser notre société. La tradition d’ouverture de Bruxelles assure en effet, tant au quotidien que lors d’événements médiatiques, des droits humains aussi essentiels qu’aller et venir en toute sécurité, exprimer ses opinions, bénéficier du soutien de la collectivité, avoir accès à la culture, à toutes les cultures.

En ces jours sombres, nous tenons à réaffirmer avec force l’idéal de fraternité, qui constitue la condition indispensable de l’exercice de nos libertés et de nos ambitions d’égalité.

Comme le soulignait le généticien Albert Jacquard, «  La fraternité a pour résultat de diminuer les inégalités tout en préservant ce qui est précieux dans la différence »

C’est au nom de ces valeurs que nous nous devons de donner un visage aux victimes de la violence, à toutes les victimes. Quelles que soient leur identité, leur nationalité, leur langue, leur religion ou leur philosophie, les raisons qui les ont fait passer du statut d’humains à celui de cibles, ces personnes ont un visage.

Il s’agit du visage de l’inconnu, celui que l’on n’a jamais vu, mais que l’on reconnaît immédiatement en tant qu’être humain. Celui dont on saisit les émotions dans le mouvement des sourcils, dans la profondeur du regard, dans l’ouverture de la bouche, même lorsqu’elle ne profère aucune parole. Celui-là, celle-là, est un être humain, sans aucun doute possible. Même en silence, il demande, elle demande, à être traité avec humanité.

Apprendre ou plutôt réapprendre à voir en l’autre le visage de l’humanité, c’est précisément ce que nous recommande le philosophe Emmanuel Lévinas.

Pour conclure, nous invitons chaque élève à méditer cette phrase de Martin Luther King, prix Nobel de la paix :

« La non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et

ennoblit l’homme qui la manie ».

Gemaakt 30/05/2014 (bewerkt op 06/12/2019)
LHD