François Wouters, professeur de français à l'Athénée des Pagodes, intègre pleinement Bruxelles à ses cours ; l'arrivée du film Our City de Maria Tarantino représente une opportunité unique pour dégager de nouvelles lectures de la ville. L'enseignant nous raconte son expérience.
Le projet Our City est né suite à la projection du documentaire que j’ai vu dans le courant du mois de décembre 2015 au cinéma Aventure. Depuis plusieurs années, j’intègre Bruxelles dans mon cours de 3e en demandant à mes élèves de réaliser un article ou un dossier sur un thème lié à Bruxelles.
Cela donne lieu à une visite pédestre de la Ville de Bruxelles puis à la visite du musée Bip et à une recherche documentaire en bibliothèque.
Poétique et pluriel
Cette année, j’ai donc pu poursuivre le projet sur le deuxième degré après avoir découvert le film de Maria Tarantino, qui offrait une lecture suffisamment poétique et plurielle pour que je puisse avoir envie d’en faire profiter mes élèves. À la suite des événements dramatiques de novembre 2015, je voulais trouver encore un moyen d’ancrer davantage mes élèves dans leur environnement. Je crois que seuls le tissage culturel et l’ancrage des individus comptent pour qu’ils s’impliquent dans leur vie personnelle et dans la vie de la cité.
Les multiples séquences de Our City mettaient bien sûr l’accent sur la diversité culturelle de Bruxelles mais surtout ne jetaient pas de regards, jugements sur ce qui se tramait à l’écran. Par sa forme, je trouve qu’Our City réussit cette composition mosaïque de Bruxelles sans angélisme et discours aguicheur – la réalisatrice a suffisamment d’ironie pour s’en prémunir – et sans jugement de groupe sur un autre.
Le film Our city n’est donc pas un film à thèse et encore moins à thèse unique, ce qui est idéal pour que les élèves et les spectateurs en général puissent y prendre place, réaliser leur lecture propre. Quant à moi, Our City m’a touché parce qu’il m’a réconcilié avec une vision poétique de la ville, de ma ville. Aujourd’hui, la vision que l’on donne de Bruxelles, celle qui transparaît par les médias est largement négative ; or, je crois que le regard que l’on porte sur les choses les détermine, surtout pour les enfants. C’est pourquoi, Our city agit comme un contre-discours dont le citoyen, l’enfant a sans doute besoin pour regarder simplement sa ville et construire son identité.
La démarche mise en place dans le cadre du projet Our City consistait en deux phases : la première était celle de la projection du film au cinéma Aventure, puis d’un atelier philosophique ; la seconde était destinée à la rencontre avec la réalisatrice Maria Tarantino avec échanges et en une présentation d’un exercice de création personnelle des élèves. La discussion philosophique menée par Fabien Nobilio nécessitait que les élèves puissent poser une question à la suite du documentaire et celle-ci a pris très rapidement la direction du thème de l’identité.
Une synthèse de l’échange fut lue en classe dans la seconde phase et la réalisatrice a pu entendre son contenu. Relater ici le contenu de l’échange serait simplifié une discussion qui a permis de poser les déterminants de l’identité belge, son appropriation pour des élèves qui se disent d’une autre culture, de mettre en évidence une vision de l’identité et des identités en général, ce qui leur a permis, en somme, de construire un discours sur leurs identités.
La dernière étape de la discussion se tourna naturellement vers la question de la culture, des rapports de force entre cultures et de la culture humaine en général.
La création des élèves : une carte postale filmée
Ensuite, les élèves repartaient avec un questionnaire sur le documentaire-film à la fois au niveau du fond et de sa forme et il leur était demandé de composer un exercice de création, espèce de carte postale filmée de leur environnement dont la consigne, je le souhaitais, n’était pas trop dirigée afin de ne pas contraindre leur imagination, leur création. Il y avait bien une contrainte de durée (deux minutes) pour la projection des « cartes postales filmées » sur TBI et une envie : je voulais qu’ils puissent se présenter ou présenter leur environnement (maison, quartier, école, etc.) à l’aide de leur smartphone, en filmant et en composant les séquences de cette carte postale personnelle.
Le résultat fut enrichissant et Maria Tarantino fut vivement intéressée à la fois par l’échange avec les élèves, par la synthèse de la discussion philosophique mais également par les exercices de « cartes postales ». Maria Tarantino aurait bien fait de mes élèves ses propres assistants ! Enfin, la durée totale du projet en classe ne m’a pas permis de travailler davantage sur l’observation de la forme de ce film-documentaire qui mériterait sans doute une exploitation plus approfondie en classe de 5e !
Récit : François Wouters.