Le lundi 28 novembre 2022, les élèves de 6e de l’Académie Royale des Beaux-Arts (ARBA) ont assisté à la projection du film « Animals » de Nabil Ben Yadir, inspiré des derniers jours du jeune Ihsane Jarfi, victime d’agression, de séquestration, de vol et de meurtre à caractère homophobe, à Liège, en 2012. À l’issue de cette séance préparée en classe avec leurs enseignant.e.s à partir de l’excellent dossier pédagogique mis à disposition par le cinéma Palace, les élèves ont rencontré le réalisateur Nabil Ben Yadir et le père d’Ihsane Jarfi, enseignant de religion islamique retraité, qui a écrit un livre et suscité une fondation qui visent à lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence, plus particulièrement celles motivées par l’homophobie.
De l’avis quasi unanime de la critique, le film est « poignant », « radical », voire « choquant », mais toujours « nécessaire ». C’est que la violence n’y est pas esthétisée, ni mise en scène avec complaisance, mais au service d’un questionnement de fond : Comment un humain peut-il faire cela à un humain ? Lors de l’échange avec les élèves, le réalisateur insiste sur l’éducation : les agresseurs se parlent entre eux sur un ton agressif et dans un vocabulaire pauvre, le titre du film vient d’ailleurs d’une phrase entendue lors du procès, « animals » n’étant pas le mot anglais, mais le mot français sans le pluriel adéquat. Un détail qui suggère que quand les mots manquent, la voie est ouverte aux gestes violents. Il s’agit bien d’une voie, qui commence par l’insulte, passe par le dépouillement et finit par une forme de déshumanisation, à l’issue de laquelle le meurtre devient possible. À la question de savoir pourquoi il est allé si loin dans la mise en scène de la violence, le réalisateur répond qu’il voulait mettre en garde contre ce processus et faire prendre conscience de ce que représentent des mots comme « agression » et « séquestration ». Il signale aussi que ce qui est montré, souvent de loin, dans le film, est en fait en-deçà de ce qui s’est produit dans la réalité.
Mais pourquoi couler ce message dans un film de fiction, et pas, par exemple, dans un documentaire ? Il existe en fait un documentaire, dont aucun.e élève n’avait entendu parler. Voilà une raison, répondent Nabil Ben Yadir et Hassan Jarfi : le film de fiction a souvent un impact plus important. Une autre raison est la proximité qu’établit « Animals » entre le spectateur et le personnage du film : on le découvre dans sa famille, où l’on sent à la fois l’amour et la tension ; on le suit parmi ses agresseurs, jusque dans le coffre de leur voiture ; on reste proche de lui après sa mort, à travers la journée d’un de ses agresseurs, le plus jeune, celui qui a porté les derniers coups. Au terme de ce parcours, le spectateur est devenu lui aussi dépositaire d’un message de non-discrimination et de non-violence porté par des questions telles que : « Et moi, aurais-je été capable de faire ça ? Que puis-je faire pour que ça n’arrive plus ? »
La dernière question de la rencontre va dans ce sens et ne provient pas des élèves, mais de Hassan Jarfi. Il a pris soin de leur dire d’abord ses propres difficultés et son évolution vis-à-vis de l’homosexualité : « Il a fallu que mon fils ferme les yeux pour que j’ouvre les miens ». Puis, s’adressant toujours aux élèves : « Et vous, si plus tard vous avez un enfant, s’il vous annonce qu’il.elle est homosexuel.le, comment réagirez-vous ? » Parmi les réponses données, il retient tout particulièrement celle-ci : « J’espère pouvoir lui donner une éducation telle que ce ne sera pas une révélation, mais juste ‘J’ai quelqu’un à vous présenter’ »…
Ce film et cette rencontre s’inscrivent dans un parcours sur le genre et l’orientation sexuelle commencé l’année passée avec, entre autres, le film « Pink Revolution » et l’exposition « Freak ». La lutte pour une société plus inclusive, notamment la non-discrimination des personnes sur base de leur expression de genre ou de leur orientation sexuelle, constituent en effet des axes importants de nos projets éducatif et pédagogique.
La projection et la rencontre, ainsi que la formation préalable des enseignant.e.s par l’association de jeunesse Alter Visio, ont pu être organisées grâce au soutien de la Région de Bruxelles-Capitale, plus précisément au programme Equal.Brussels.