Des clés pour mieux comprendre le conflit israélo-palestinien

Le colloque « Le conflit israélo-palestinien à l’école : des clés pour mieux comprendre » organisé par l’Instruction publique le 4 avril 2025, a apporté aux enseignant.es de la Ville de Bruxelles de nombreuses pistes pédagogiques pour guider les élèves vers de nouveaux champs de réflexion.

Cette journée organisée par l’Inspection pédagogique du secondaire est née d’un constat : la nécessité de rencontrer les préoccupations des élèves touchés par le conflit israélo-palestinien avec des éléments de réflexion critique et de savoirs.

Comme l’a exprimé Nathalie Van Overstraeten, inspectrice adjointe et organisatrice du colloque aux côtés de Morgane Monnier et d’Ikram Ech-Chaqrouni, « laisser les algorithmes des réseaux sociaux façonner des positionnements polarisés, c’est faire courir le danger à nos élèves d’accorder peu de place à la nuance et beaucoup aux clivages de toutes sortes susceptibles d’alimenter les extrêmes. Les élèves interrogent leurs enseignants et attendent des réponses, que ce soit sur les faits d’actualité, sur une histoire incomprise ou méconnue, sur un territoire aux limites complexes, sur des images et des mots percutants ou violents qui s’incrustent dans la psyché. Fournir des cadres théoriques de réflexions, des outils concrets et des méthodes pour traiter ces questions avec toute la profondeur qu’elles méritent est l’objectif recherché, tout en conservant la nécessaire objectivité qui guide notre métier ».

Une centaine d’enseignant.es et de nombreuses directions d’établissements se sont retrouvés le 4 avril 2025 dans les locaux du campus des Arts et Métiers pour une session plénière suivie d’une série d’ateliers en plus petits groupes. L’option choisie était de faire croiser l’histoire, le droit international, la géopolitique, la sociologie, la géographie et la philosophie, autant de portes d’entrée, chacune avec leur didactique propre. Une sélection d’œuvres artistiques et musicales a complété le tableau avec un fil conducteur double : la représentation des dérives de la guerre et l’aspiration à la paix. L’Inspection pédagogique a fourni à chaque participant.e une bibliographie commentée par la Bibliothèque des Riches-Claires et un aperçu détaillé de différentes œuvres d’art projetées (Magritte, Munch, Delahaut, Banksy, Picasso).

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Au regard de l’histoire, du droit et de la propagande

« Le conflit israélo-palestinien ne date pas d’hier, a rappelé Faouzia Hariche, Échevine de l’Instruction publique, en ouverture à la journée, mais il connaît une résurgence dramatique, sur fond de propagande et de polarisations extrêmes. Depuis 2023, la situation israélo-palestinienne est entrée dans une tragédie humaine indicible. L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, causant plus de 1 200 morts, une prise d'otages et des atrocités inimaginables, a déclenché, de la part du gouvernement israélien, une riposte d’une brutalité extrême, dépassant de loin la seule lutte contre le terrorisme, et qui occasionne la mort de dizaines de milliers de Palestiniens, le déplacement massif de populations et la destruction totale d’infrastructures et de logements. Toute possibilité de vrais débats nuancés et paisibles est mise à mal. Partout dans le monde, les clivages se creusent, alimentés par des partis pris, des idéologies, des stéréotypes et des amalgames. Trop souvent, chacun s’exprime dans un monologue que personne n’écoute. L’ignorance et l’absence de critique historique nourrissent ces incompréhensions et exacerbent les passions les plus viles, déshumanisant l’autre au point de ne plus voir en lui qu’un ennemi. Le conflit israélo-palestinien, particulièrement en Europe, ravive des formes inquiétantes d'antisémitisme, un phénomène que l'on pensait révolu. De la même manière qu'il est inacceptable de rendre l’ensemble du peuple palestinien, et plus largement les Arabes, responsables des actions du Hamas, il est tout aussi intolérable de faire porter sur tous les Israéliens, et par extension sur tous les Juifs du monde, la responsabilité des décisions du gouvernement israélien ».

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Les deux conférenciers invités pour la session plénière, François Dubuisson et Anne Morelli, professeur de droit et professeure honoraire d’histoire à l’Université Libre de Bruxelles, ont apporté de la substance et une épaisseur aux connaissances notamment historiques et aux analyses de l’actualité.

En juriste, spécialiste du droit international, François Dubuisson a retracé l’histoire du Proche-Orient depuis les premiers balbutiements du sionisme au 19e siècle jusqu’aux plans de partage et aux différentes guerres opposant les Palestiniens, le monde arabe et l’État d’Israël, montrant l’incidence des discours et la portée des réalités sur le terrain, celui des frontières et celui du vécu. Anne Morelli a, quant à elle, exploré la question de la propagande de guerre qu’elle a abondamment illustré à travers les conflits du 20e siècle dans un ouvrage devenu best-seller, et dont les mécanismes sont aussi décryptables dans le conflit israélo-palestinien. Passer de l’émotionnel aux connaissances est un processus indispensable. Mais nos sources pour ce conflit sont souvent incomplètes ou biaisées, rappelle-t-elle. La tentation de la généralisation est grande. De conclure, en interrogeant la question de la légitimité, la notion d’appartenance de la terre et l’utopie d’une cohabitation…

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Des pratiques pédagogiques croisées

Le travail en atelier qui a suivi avant et après la pause-midi a permis d’approfondir les questions, et surtout de procéder à des échanges entre pairs, notamment sur des pratiques pédagogiques.

Six ateliers ont regroupé les participant.es du colloque : le rôle du droit international (F. Dubuisson) ; la géographie et la problématique des ressources naturelles (R. Kiouah) ; les outils didactiques en histoire (H. Ahmaidouch et I. Ech-Chaqrouni) ; s’outiller pour encadrer des débats (H. Jaspert) ; comprendre dans une perspective pédagogique (S. Lecesne) ; approche transversale et interdisciplinaire des représentations mentales (Y. El Montasser).

En conclusion de la journée, chaque représentant des ateliers a ramené une pièce d’un puzzle, construisant la carte de Palestine et d’Israël. Sur chaque pièce un mot, un cri, un espoir, un objectif…

Cette journée a permis de « renforcer nos connaissances, de parfaire nos approches pédagogiques, finalement d’interroger la ‘neutralité’ que nous voulons privilégier. Une neutralité de l’enseignement bien comprise, qui nous invite - professeurs comme élèves ! - à sortir de nos certitudes personnelles et zones de confort, à apprendre à écouter, analyser, critiquer de manière scientifique, et finalement à dépasser nos préjugés, voire à changer d’opinion personnelle. Le Pouvoir organisateur de la Ville de Bruxelles a cette capacité extraordinaire de fédérer des professeurs d’université, de la Haute École, des écoles secondaires pour réfléchir ensemble sur nos pratiques pédagogiques. Ce sont des moments remarquables d’autoréflexivité. Tout ceci nous aide à rencontrer nos élèves, à entrer en résonance avec eux pour les aider dans leur quête de sens », conclut Émilie Dupont, Directrice générale de l’Instruction publique.

Créé le 09/04/2025 (modifié le 09/04/2025)