Directrice du Lycée Dachsbeck, féministe, écrivaine, le souvenir d’Augustine de Rothmaler est quelque peu oublié à l’Instruction publique. Bref éclairage sur une intellectuelle hors norme.

Augustine de Rothmaler (1859-1942) est une élève d’Isabelle Gatti de Gamond, fondatrice du Cours d’éducation A à la rue du Marais, la première école secondaire pour jeunes filles à Bruxelles. Institutrice en 1876, elle complète sa formation en Suisse dans une école normale et par des cours de langues germaniques. Douée pour les langues, elle apprend aussi le danois. Elle est ensuite nommée par la Ville de Bruxelles comme enseignante au Cours d’éducation B, la deuxième école secondaire pour jeunes filles à Bruxelles, dénommée plus tard Lycée Henriette Dachsbeck du nom de sa première directrice.

Lycée DachsbeckAugustine débute sa carrière comme professeure de français et d’anglais. Littéraire, elle fréquente les cercles d’écrivains et d’artistes à Bruxelles et à l’étranger où son érudition est repérée. Elle est invitée à présenter les pièces au Théâtre royal du Parc et le public se passionne pour sa culture et son éloquence. 

 

En 1911, de Rothmaler est désignée par la Ville comme directrice de son école où elle déploie ses talents intellectuels et ses idéaux humanistes, notamment durant la Première Guerre mondiale. Elle est soucieuse de rapprocher les élèves de classes sociales différentes pour favoriser leur émancipation collective et individuelle. Dans son établissement fréquenté par des familles bourgeoises, elle inscrit de nombreuses jeunes filles des quartiers pauvres adjacents à celui du Sablon. Sous l’occupation allemande, où les Bruxellois sont confrontés à de multiples privations, elle insuffle des principes de résistance et de patriotisme dans l’esprit de ses élèves et collègues. À sa retraite après la libération, en 1919, les élèves lui remettent un album commémoratif, dans lequel figure un beau dessin de l’école (Archives du Lycée).

 

Pendant plusieurs décennies, Rothmaler inspire des générations de jeunes filles en quête de liberté. Entourée de personnalités littéraires et artistiques hors du commun, Augustine est un esprit libre, à contre-courant des conservatismes. Elle s’engage à l’Alliance belge des femmes pour la paix par l'éducation, la Ligue de l’enseignement et l’Institut des Hautes Études. Elle laisse des travaux littéraires qui témoignent de son envergure intellectuelle, de son originalité et de ses engagements féministes. 

Augustine de Rothmaler traduit en français les contes de Himmerland, écrits par l’auteur danois Johannes V. Jenssen (1873-1950), prix Nobel de littérature. Ces contes sont des nouvelles bucoliques et picaresques, avec des paysans et des fantômes… La traduction française de Rothmaler est jusqu’à nos jours la seule disponible en bibliothèque ! Notre directrice s’intéresse aussi à George Sand, sur laquelle elle publie plusieurs articles dans des revues spécialisées. La célèbre écrivaine, connue pour sa lutte acharnée contre les préjugés de la société conservatrice de son temps, est visiblement un modèle pour Augustine ! 

 

Rothmaler a tissé autour d’elle des amitiés et des relations très fortes. Elle est l’amie du peintre Théo Van Rysselberghe et surtout de son épouse, l’écrivaine Maria Monnom, une de ses anciennes élèves. Avec celle-ci, elle fréquente tout un milieu de progressistes et d’esthètes, notamment André Gide et la Luxembourgeoise Aline Mayrisch, également connue pour son action en faveur de l’éducation et des droits des femmes. C’est chez les Van Rysselberghe qu’elle se retire en France au Lavandou pour terminer sa vie. Elle est enterrée dans leur caveau familial. Théo dessine son portrait, conservé au Métropolitan Museum of Art de New York.

 

Pour en savoir plus : Dictionnaire des femmes belges, XIXe et XXe siècles, 2006, p. 187-188 ; Biographie nationale, t. 32, 1964, col. 641-643.

Créé le 16/10/2024 (modifié le 16/10/2024)
Augustine