La rentrée académique du Département Instruction publique de la Ville de Bruxelles s’est tenue le 8 novembre 2023 avec pour thème « Créer un climat d'interaction inclusif et prévenir les violences en classe ». Après une conférence inaugurale, les participants étaient invités à divers travaux en atelier. Une matinée riche en réflexions et en échanges d’expériences pédagogiques.
En introduction, Faouzia Hariche, Échevine de l’Instruction publique de la Ville de Bruxelles, a rappelé l’importance de temporiser toutes les formes de violence à l’école et en classe, par des pratiques pédagogiques inclusives.
Dans un monde marqué par des profondes crises et par l’émergence d’une violence systémique, l’échevine relève l’ambiguïté entre les discours et l’actualité. La question de la « crédibilité » du « vivre-ensemble » se pose chez les enfants et adolescents, dans une société intrinsèquement violente. « C'est ici, à mon sens, conclut Faouzia Hariche, qu'intervient ce dont nous sommes capables à l'Instruction publique : l'exemplarité. C'est à l'aune de notre empathie, de notre attachement, de notre capacite à inclure que nous pouvons témoigner des bienfaits de l'humanité, de la capacité des humains à coudre et recoudre des liens, à témoigner du respect des différences, à vivre en harmonie ».
La directrice générale Émilie Dupont s’est ensuite attardée sur les réalisations concrètes de l’IP sur le thème de la violence :
- Le réaménagement des cours de récréation apporte un lot considérable d’apaisement dans les écoles. Une série d’établissements en ont déjà bénéficié et ce programme continuera à l’avenir. Les projets de verdurisation et d’organisations spatiales sont portés par les équipes et contribuent à un climat général bénéfique à l’enseignement.
- Les activités du Pôle Genre et les Projets Sports & Santé contribuent à déconstruire une quantité d’idées préconçues, potentiellement génératrices de violences, quand il s’agit d’accepter les différences, de lutter contre l’homophobie ou la transphobie, de défendre les principes d’égalité femmes-hommes.
- La réflexion sur l’évaluation des habilités sociales et comportementales que nous avons entreprise, en supprimant l’ancien bulletin de comportement standardisé qui prévalait jusqu’il y a peu, vise à cultiver à l’école un esprit de bienveillance, à sa juste place, en soulignant chez l’enfant ses acquisitions, pas à pas, vers la maturité.
- De nombreux établissements de la Ville ont instauré une didactique des conseils de coopération, des espaces de parole régulés, des espaces de dialogue concerté et d’autres lieux de stimulation de la prise de parole de l’élève au sein de la classe et de l’école. D’autres ont aussi rédigé des chartes d’écoles citoyennes permettant de faire l’expérience de règles communément admises et respectées.
- Enfin, la maîtrise de la langue française, dans toutes ses nuances, est un formidable levier de discussion et d’échanges, à mille lieues des violences verbales. À cet égard, le levier socio-culturel des quelque 350 coins lecture est remarquable. « Lire, s’exprime Émilie Dupont, c’est ouvrir l’esprit à l’imaginaire, c’est relâcher la soupape du bouillonnement et des émotions intérieurs, c’est se confronter à l’autre opinion, c’est se forger une personnalité. »
Martine Nolis, animatrice et formatrice « philo », a ensuite prononcé une leçon inaugurale passionnante, avec une réflexion sur nos pratiques pédagogiques reposant sur une immense expérience.
La conférencière est rompue aux « ateliers Philo », avec les élèves de tous les niveaux scolaires. En philosophe aguerrie, elle a témoigné, multiples exemples à l’appui, de sa façon, simple et adaptée, d’être au « rendez-vous » d’une rencontre. Avec les élèves. « À la cueillette de questions »…
Qu’est-ce que la violence ? Quelles sont ses différentes manifestations dans les divers niveaux de l'enseignement ? Qu'est-ce que le respect ? Quelles sont les pistes pour faire régner le respect et le bon climat scolaire ? Quelles réactions avoir face aux propos ou actes violents des élèves ? Quel engagement cela suppose-t-il de la part des enseignant.e.s ? Que faire face à la haine ?
Autant de questions traitées dans un exposé brillant d’humanité, riche en psychologie de l’enfant et de l’adolescent.
Mais… répondre aux questions, ne serait-ce pas en poser d’autres…, beaucoup d’autres, écouter, réfléchir, remettre sur le métier, visiter notre manière de penser, en comprendre les forces et les limites, se donner un cadre éthique et moral ?
Et partir à la rencontre, ne serait-ce finalement pas se rencontrer soi-même, selon l’adage socratique par excellence, déjà gravé sur le temple de Delphes : « Connais-toi toi-même » ?
Les participants à la matinée se sont ensuite répartis en quatre ateliers. Sur la concertation restaurative en groupe avec des jeunes, avec Joëlle Timmermans et Bernadette Deleval, formatrices de l’association « Le Souffle » ; sur les outils pour développer les habiletés psychosociales des élèves et construire un climat de classe coopératif, avec Axelle Sassoye, créatrice du programme « Schola Concordia » ; sur les cercles de parole au service du développement de chacun.e, avec Peggy Snoeck-Noordhoof et Anne Bernard, formatrices du ProDAS ; sur les techniques de yoga pour une classe bienveillante, enfin, avec Élodie Di Bono et Dominique Dupont, formatrices RYE (Recherche sur le Yoga dans l'Éducation).
« Cette matinée, explique l’un des participants, m’a convaincu qu’une approche philosophique et multidisciplinaire est la meilleure voie pour tenter de réduire les expressions de violence à l’école. Dans un contexte marqué par la montée en puissance des réseaux sociaux qui polluent les relations humaines, mais aussi par une actualité internationale très violente avec le retour du terrorisme et des guerres, nous avons à prendre du temps avec nos élèves, pour écouter leurs cris et leurs détresses, pour organiser des ateliers philo ou d’autres cercles de paroles et partir à leur rencontre dans leurs questions et leurs angoisses, liées à leurs vécus personnels, leurs réalités scolaires et à tout ce qu’ils ramènent du monde extérieur dans leur sac à dos ».