À l’Institut Paul Henri Spaak, Anissa Bekkouri, enseignante de français, est partie du constat que seulement 10 à 15% de ses élèves lisaient les livres proposés dans le cadre de son cours… Face à cette indifférence générale, elle a décidé de lancer un grand plan de lecture… qui a bien pris ! Forte de cette réussite, toute l’école y participe actuellement. Une success-story qui a comme résultat actuel que plus de 90% de ses élèves se sont mis à la lecture en 2023 !
Dans ses classes, Anissa Bekkouri était confrontée à des idées reçues comme : « lire, c’est pour les riches, les vieux » ou même « pour ceux qui sont nés avec le goût à la lecture ou le don ». Interrogations, listes de livres, exposés en classe : les méthodes classiques ne fonctionnaient pas sur ses élèves. Elle a donc innové et proposé plusieurs solutions pour les motiver et leur transmettre sa passion pour les livres.
«Je me souviens que chez moi je n’avais pas de livres. L’endroit où j’ai commencé à lire, c’est à l’école ! ». Son propre vécu est le point de départ du premier changement : mettre plusieurs sortes de livres à disposition dans toutes les classes où elle enseigne ! La consigne ? Lis ce que tu veux ! La liberté du choix, et la découverte de la multitude de styles et de courants ont permis aux élèves de se rendre compte qu’on a le droit d’aimer un livre et de ne pas aimer un suivant, mais qu’il faut persister et continuer. On a décidé de faire une discussion littéraire une fois par mois. Chaque élève présentait les livres à un·e autre. À chaque fois, je faisais une petite évaluation formative. Cette initiative a bien fonctionné. Un élève de 3e professionnelle a même lu un Shakespeare qui lui a donné le goût à la lecture ! », nous explique fièrement Anissa Bekkouri. « À partir de ce moment-là, nous avons commencé les discussions entre enseignant·e·s pour créer un projet pilote commun autour de la lecture, et nous partager des idées d’évaluation ».
Nathalie De Wadripont, la directrice de l’établissement ajoute : « Quand Anissa Bekkouri m’a présenté le projet lecture, j’y voyais aussi des avantages transversaux. Dans les conseils de classe de fin d’année, la conclusion qui arrive souvent au moment des délibérations est que les élèves ne maitrisent pas les compétences, car ils ne connaissent pas la langue d’enseignement. Du coup au moment des interros et des examens, comme ils ne comprennent pas les consignes, ils ne répondent pas correctement. Leur apprendre à aimer lire et diversifier leur lecture, c’était surtout leur permettre de connaître mieux la langue d’enseignement et donc de comprendre les consignes et d’atteindre des objectifs transversaux dans chacun des cours. »
Les enseignant·e·s du cours de français de l’Institut ont fait preuve de grande créativité quand il s’agit de trouver des manières originales d’évaluer les élèves selon leurs lectures choisies, comme le « Speedbooking ». Le principe est comme celui du speed dating.
« Les élèves présentent leur livre à leurs camarades, par deux, puis quand la clochette sonne, on change de place. Ce type d’exercice permet de faire travailler des compétences transversales : le résumé de texte, le compte rendu personnel, l’argumentation, l’aspect social dans l’échange, l’écoute. Puis je passe, et je demande à un·e élève ce que l’autre a lu et cela sert d’évaluation ».
« Je pratique également la lecture en classe 1h par semaine, et on a installé une boite à livres dans l’école. Je mets des livres à disposition partout, j’en ai même scratché sur le mur ! Je veux les harceler avec les livres » plaisante Anissa Bekkouri...
Sa collègue et comparse de cette opération lecture à l’Institut Paul Henri Spaak pour le deuxième degré, Valérie Nimal, a mis en place d’autres projets, pour ses élèves plus âgés. Et ce, dans la continuité des ceux d’Anissa Bekkouri.
« J’ai commencé avec le projet inviter un auteur en classe de la Fédération Wallonie Bruxelles, pour inviter l'auteure Isabelle Werry. Elle écrit sur des thèmes qui touchent les adolescent·e·s. J’avais envie que mes élèves découvrent ce métier considéré comme inaccessible. Isabelle Wery est comédienne en plus d’être écrivaine. Elle a le contact facile avec les gens, et elle aime transmettre. On a lu son livre « Poney flottant » offert par la Fédération Wallonie Bruxelles grâce au chèque-lire. Ce roman casse les codes de l’écriture, et aborde la liberté d’expression, le corps et la liberté des femmes. Puis nous avons rédigé une suite. Quand l’auteure est venue en classe, les élèves lui ont posé des questions. Ils lui ont présenté leur suite. Isabelle Werry les a lus, leur a fait des retours positifis, a discuté avec eux, et a terminé l’échange avec une séance de dédicace en classe. »
« Par la suite, les élèves ont rédigé un journal qui a raconté cette rencontre. Une collaboration entre le cours de français et le cours de citoyenneté et de philosophie. Chaque élève a trouvé son point d’épanouissement personnel dans ce projet : la mise en page, la photographie, la rédaction, la présentation orale aux autres classes… Un projet libre qui a révélé tout son potentiel et inspiré à la lecture. »
Valérie Nimal visite les bibliothèques avec ses élèves. Les bibliothécaires leur apprennent à trouver des sources fiables, la méthode de classements des livres… Dans le second degré, il faut suivre le programme de lecture imposée : romantisme, réalisme… etc. La visite de bibliothèque permet de rendre accessible aux jeunes les livres des lectures obligatoire, gratuitement.
Tout un projet d’établissement qui plaît et a même touché Isabelle Werry. Elle s’est proposée de revenir dans l’école, dans le cadre d’un projet européen, pour lire le début de son nouveau roman, aux élèves du premier degré. Une séance qui a permis d’appuyer la notion de plaisir liée à la lecture que les enseignant·e·s essayent d’inculquer. Une belle reconnaissance pour leur travail qui a encore de longues années à vivre.